Cyprès sombres, jardins,
le brun des néfliers, la neige, les bouleaux,
les virées de corbeaux,
le platane assiégé,
la mémoire embuée,
le korci qui s'éteint
et ce froid qui m'étreint
Sylvie Mochiri Miller
© tous droits réservés
Cyprès sombres, jardins,
le brun des néfliers, la neige, les bouleaux,
les virées de corbeaux,
le platane assiégé,
la mémoire embuée,
le korci qui s'éteint
et ce froid qui m'étreint
Sylvie Mochiri Miller
Les bâtonnets
tracés
Aux murs de ta geôle
Ont l’âge de nos mages
Et de nos feux sacrés
Ton œil voit la lumière
Au travers du chiffon
Qui panse tes paupières
Brulées par les tisons
Tourmaline, ton ciel,
Au-delà des barreaux,
Rayonne en ta prison
Tu sais le gout
des fruits
La couleur de la terre
Le toucher de l'écorce
Au tronc des peupliers
Tu es libre au
travers
Des pierres de ta prison
Ce sont tes
geôliers
Qui sont emprisonnés
22 juillet 2009
Sylvie Mochiri Miller
J’ai bu les moins arides
Par la peau
J’ai brassé des ruisseaux
Le cours le moins avide
De mes mains
Des matins
J’ai perçu
Les froids les moins perfides
A ma chair
Et des terres
Gardé
L’espace le plus vide
A mes cris
Brouillard à l'aube
Dans ses draps mouillés
L'étang fume en silence
Sylvie Mochiri
Miller
Это магия
тебя,
что я должна
тебе —
за то, что осталась.
Магия этих
моментов
светящихся, откровенных,
жадных,
которые я жадно ловлю в тебе
каждый раз,
когда ты их создаешь.
Два-три мгновения
интенсивности,
которые жизнь и пустота
заставляют увязнуть
в грязи моей памяти.
Два-три мгновения,
рассеянные волной,
— когда я брожу под дождем,
колеблюсь, не решаясь покинуть тебя —
меня электризуют.
J’imagine la vie
Portée par un jet d’eau
Comme un pétale qui
Ne peut s’en dégager
J’imagine la brise qui viendrait s’amuser
A se faire balloter
Et si jamais le vent se levait en rafales
Qu’il passe, indifférent.
Sylvie Mochiri Miller
2 aout 2021
Lorsque
des tables de la terre
- ces falaises grignotées
jour après jour par la marée -
nous perdrons pieds
lorsque
nous aurons épuisé nos bouteilles à la mer
allumé mille falots
sur le basalte de la
et que pas une seule étoile
et que pas une étincelle
ne tombera du tamis
de ce qui reste discernable
nous n'irons pas nous ensabler
dans une lise de sel et d’eau
nous reprendrons
- comme ces grands oiseaux de mer -
là où les mouettes volent haut
Sylvie Mochiri Miller
2 mai 2021
Moi, je ne trouve pas
L’envers de ton départ
Je ne sais pas chercher au fond de tes armoires
Ces forêts, ces prairies
Ces chants sonores d’oiseaux
Ces madrigaux ouverts
Aux rondeurs de coteaux
Aux raideurs de pluie
Je ne sais pas fouiller au-delà de toi
Au-delà des miroirs
Où tu as décidé d’engranger ma mémoire
Ecoute, j’aimerais que tu me donnes à vivre
Comme on donne à manger
Aux bébés en sevrage
Je voudrais refermer les yeux de ta maison
Et retrouver les gestes
Pour installer ma vie au rythme des saisons
Où tu dénoterais
Pour ouvrir mes volets à la fraîcheur des nuits
Relever les persiennes
Pour ranger les foulards
Au fond de tes armoires
Sous les masques épars
D'océan dans les chambres
De jardins sur la mer
Pour savoir épuiser
En touches indigo
Le faisceau des arènes
Sur mes toiles
Sans fermer les rideaux
Eteindre la lumière
Ton bouche à bouche
A mes paupières
Soulevée de clameurs matinales et d’abeilles
La vigne a le tissé d’une étoffe tribale
Ondulante et diaprée au lever du soleil
Elle tourne ses couleurs comme un essaim de châles
D’invisibles gitanes semblent la secouer
Lui voler ses joyaux pour s’en parer les mains
Tandis que lentement les hauts paniers d’osier
Débordent sous le poids des grappes de raisin
Elles déploient leurs bras en cadence tranquille
Et versent dans les hotte leur fabuleux butin
Barbouillant le visage échauffé des bambins
De leur bouche sucrée de caresses vigiles
Puis rompues de chaleur enivrante et docile
Ces amazones vont la corbeille à la hanche
Dans un éloignement d’insecte malhabile
Essuyant la fatigue à l'élytre des manches
A l’apnée de la nuit
Dans son grand lit défait d’odalisque épousée
La vigne a des soupirs d’amante
Elle porte à son cou de captive adulée
Des colliers d’amarante
A sa voix rauque
Un lamento
Vibre en trilles berbères dans la non-vue du soir
Connivence d’altos
Aux complaintes guerrières
Des femmes du terroir
C’est l’heure des puisatiers
De l’engourdissement des chiens
Qui ont veillé
Des bêtes jappent qui guettaient
L’éveil rauque des chameliers
Le thé coule qui fut
Chauffé hors les tentes
Sur le jabot de l’aube
Et je suis là, dans l’erg, où l’oasis
Etale une flambée de plumes
J’ai passé la nuit dans la jeep
Sous la question monumentale du ciel
J’ai du chercher au-delà de la quiétude
Du troupeau
Des musiques tendues sur les feux du désert
Des chants interrompus
Par un chuchotement
De comètes
Et puis j’ai répondu
Des mots me sont venus que je ne voulais pas
Des mots de rythme sur les pistes,
De villages, de sources,
Des mots d’aurore et de soleil au lendemains de toi
Et des trilles berbères à ton éloignement
J’ai répondu des mots de trêve aux caravansérails,
Des paroles de joie au sortir des sables,
Des soupirs d’aise à l'ombre et loin de la fournaise
Qu’est notre amour
Et j’ai parlé de désamour
Etrangement, ce mot vient et s’installe comme une tache
A l’envers de soi sur ma peau,
Marque son auréole où l'étiage a changé la moirure
Comme un cercle sur l’eau rejoindrait un rivage
Et rien que cette étole qui bouge à mes épaules
Cette chape sans poids autre
Que son envergure
D’envol
Suffit à me cerner,
Bâillonner,
Ligoter
Et c’est en louve que je lève ma narine aux aguets
C’est des hordes quittées dont je perçois l’odeur
Dans celle plus tenace des brebis.
Figés aux mailles depuis longtemps tissées de l’instinct,
Ces relents de suin donnent à mon épaule
Un geste long de dune
Vers l'enjambée crissante des caravanes
Aux points d’eau.
Des chevriers sont là
Qui ont porté leurs bêtes nouveau-nés,
Des sources naissent à fleur de pierre où le sabot résonne
Et la palmeraie brille sur l'écaille des sables
C’est l’heure incandescente et rose des prières.
Dans la claire-voie des cours
Un vol de tourterelles fond sur la boutonnière
Des fontaines
Et l’eau perle aux aiguières verseuses d’ablutions.
D’où vient que tout s’envole où jaillissent les saules,
Tout,
De tes inconstances
Jusqu’à ma déraison?
J’attends dans la fraîcheur humide des mosquées
Les rythmes oubliés
Dans l’éclaboussement de nos incantations.
D’où vient que je m’aligne aux côtés des fidèles
Et tourne vers le ciel
La paume de mes mains?
Dis-moi de quelle ogive attendre l’éloquence?
L’heure ouvre son échoppe où l’étal a fermé
D’une autre saunaison.
Quelle autre fulgurance
Naîtra de ce commerce
Où le boulier crépite et la balance penche
Irrévocablement
Sous la manne des jours?
C’est l’heure infranchissable et brève des retours
Un minaret s'élance en turban de faïence
Et des sources s'étirent
Sous le torchis des murs
J’ai retrouvé la jeep brûlante de lumière,
Une nuée d'enfants
Des petits sur les sièges et des grands au volant
Et des rires aux portières
Et mon étonnement
De la joie retrouvée
Et le jardin fané où tu étais l’amant
Ses ruisseaux qui se taisent
Et ses bassins vidés qui se renouvelaient
Dans leur vasque poreuse
Tu vas te réveiller
Cligner des yeux, peut-être,
En ne me trouvant pas
Dans la suite du rêve
Où je n’existais pas
C’est l’heure-empreinte, l’heure volée,
l’heure-envergure envolée,
A l’envers de toi sur ma peau
La tente est bleue dans l’âtre pétrifié du jour
La chaleur en-allée suinte au madrépore des cruches
La nuit trébuche
Sur l’argile des lampes
La jeune femme arrêtée dans sa danse frileuse
Un matin de grands froids
Attendait que je trouve la couleur de la neige
Et ça ne venait pas
Je cherchais dans les gris dans les bleus
Dans les roses
Je cherchais ma palette
Et ne la trouvais pas
C’est la faute aux lumières
Du jour
La faute à notre amour
Il me faut une boucle d’obscur
Une oeillère
Un retour
Un retour vers le froid
Vers l’ivresse du manque
La magie dans les doigts
Exsangues
La couleur sur la gangue
Des maux
Il y a dans ta voix comme un peu de tristesse
Que je ne connais pas
Il y a dans tes yeux tout un vent de jeunesse
Qui m’irrite déjà
Ma vieillesse est hélas le fardeau de tes joies
Et tendre tu ne veux risquer de me blesser
Tandis que je te guette en vieil enfant sournois
Avide du malheur qui tarde à nous frapper
Et si l’on reconnaît parfois comme ton père
Cet homme malheureux que tu as épousé
Tu n’imagines pas combien je désespère
De n’avoir pu jamais refuser de t’aimer
Les wagons endormis dans la gare apaisée
Ruisselante d'échos à cette heure tardive
Dégagent de leurs corps impassibles d’acier
Des barbes de fumées flottant à la dérive
A l’horizon rompu de vapeurs et de brume
Les maisons de banlieu percent l'obscurité
Leurs façades bernées de suie et d’amertume
S’allument doucement par derrière les volets
C’est l’heure où les enfants s’agrippent au sommeil
Retenant dans les plis des chemises de laine
Leurs petits poings serrés et remplis de soleil
C’est l’heure où, quelque part, l’aube à la nuit s’enchaîne
Elle étire ses pattes en chatte de gouttière
Et s’avance, feutrée, sur la neige des cours
Humant aux soupirails auréolés de pierre
L’odeur chaude et muette du pain dans les fours
Puis, souffleur amoureux, en son nouvel habit,
L’air essoufflé rosit à l'aurore naissante,
Chorégraphie sublime où, leste travesti,
Le jour, en contretemps, fait ses pointes flambantes
Ici, l’on est au bord des larmes
Tant les bouleaux à perte d’yeux
Effacent jusque dans les âmes
La moindre trace d’autres bleus
Ici ne parlent que silence
Et que frissons de neige
Ici, toute chose en partance
Bruisse dans les arpèges
Branches abandonnées
Par un oiseau de proie
Eclats de troncs fendus
Dans l'âpreté du froid
Ici, l’on s’invente au présent
Et l’on se prête à d’autres jeux
Ici, l’on ne joue que de vents
Et l’on s'apprête à se faire vieux
Monaco
1996
éphémères
les ombres
au fût sombre des arbres
affûtement
des sens
au flux glacé du marbre
souffle
apaisant de mère
au front brûlant
des choses
nécrose
de l’instant
Quiberon
1989
Ils ont creusé des puits
De taffetas dans la nuit
Ils ont parlé d’aurore
Aux premières ondées
Ils ont changé de bord
Et se sont evanouis
Dans un jardin d’hiver
Ces ombres de soleil au plumage de grès
De leur toile perlée
Surveillent
Les abeilles
Au vol repus de miel
Surveillent
Les plus vieilles
Des plus jeunes femelles
Surveillent
Comme des araignées
Monaco
l’Epis d’Or
1987