Monday, 10 March 2025

Cyprès sombres, jardins

Cyprès sombres, jardins,

le brun des néfliers, la neige, les bouleaux,

les virées de corbeaux,

le platane assiégé,

la mémoire embuée, 

le korci qui s'éteint 

et ce froid qui m'étreint


Sylvie Mochiri Miller


Pour toi, Iran

Les bâtonnets tracés
Aux murs de ta geôle
Ont l’âge de nos mages
Et de nos feux sacrés


Ton œil voit la lumière
Au travers du chiffon
Qui panse tes paupières
Brulées par les tisons


Tourmaline, ton ciel,
Au-delà des barreaux,
Rayonne en ta prison

Tu sais le gout des fruits
La couleur de la terre
Le toucher de l'écorce
Au tronc des peupliers

Tu es libre au travers
Des pierres de ta prison

Ce sont tes geôliers
Qui sont emprisonnés

22 juillet 2009
Sylvie Mochiri Miller


Sunday, 16 February 2025

Haiku 9 - At the foot of trees

Hidden in he snow
Silence is a brook humming
where the willows grow


Sylvie M. Miller
2 october 2014

De tous les vents lointains

De tous les vents lointains

J’ai bu les moins arides

Par la peau

J’ai brassé des ruisseaux

Le cours le moins avide

De mes mains

Des matins

J’ai perçu

Les froids les moins perfides

A ma chair

 

Et des terres

Gardé

L’espace le plus vide

A mes cris

Haiku 3 - Brouillard

Brouillard à l'aube

Dans ses draps mouillés

L'étang fume en silence 

 

Sylvie Mochiri Miller



магия тебя,

 

Это магия
тебя,
что я должна
тебе —
за то, что осталась.

Магия этих моментов
светящихся, откровенных,
жадных,
которые я жадно ловлю в тебе
каждый раз,
когда ты их создаешь.

Два-три мгновения
интенсивности,
которые жизнь и пустота
заставляют увязнуть
в грязи моей памяти.

Два-три мгновения,
рассеянные волной,
— когда я брожу под дождем,
колеблюсь, не решаясь покинуть тебя —

меня электризуют.


Thursday, 30 September 2021

Une journée à soi

reconnaître au matin
qu'on les veut solitaires 
ces heures qui s'étalent 
depuis l'aube à la nuit 
enfourcher le guidon 
d'une bicyclette qui 
est restée trop longtemps 
inutile dans l'abri 
s'engager au hasard 
dans les chemins fleuris 
d'ajoncs et de lilas 

c'est exclusif à l'aube 
ce sentiment d'avoir 
une journée à soi 

26 decembre 2020
Sylvie Mochiri Miller

Monday, 2 August 2021

Le jet d'eau

J’imagine la vie

Portée par un jet d’eau

Comme un pétale qui

Ne peut s’en dégager

J’imagine la brise qui viendrait s’amuser

A se faire balloter

Et si jamais le vent se levait en rafales

Qu’il passe, indifférent.



Sylvie Mochiri Miller

2 aout 2021

Monday, 3 May 2021

Là où les mouettes volent haut


Lorsque

des tables de la terre

- ces falaises grignotées

jour après jour par la marée -

nous perdrons pieds

 

lorsque

nous aurons épuisé nos bouteilles à la mer

allumé mille falots 

sur le basalte de la

et que pas une seule étoile

et que pas une étincelle

ne tombera du tamis

de ce qui reste discernable


nous n'irons pas nous ensabler

dans une lise de sel et d’eau

 nous reprendrons

- comme ces grands oiseaux de mer -


là où les mouettes volent haut

 


Sylvie Mochiri Miller

2 mai 2021


Friday, 11 December 2020

Les yeux de ta maison

Moi, je ne trouve pas

L’envers de ton départ

Je ne sais pas chercher au fond de tes armoires

Ces forêts, ces prairies

Ces chants sonores d’oiseaux

Ces madrigaux ouverts

Aux rondeurs de coteaux

Aux raideurs de pluie


Je ne sais pas fouiller au-delà de toi

Au-delà des miroirs

Où tu as décidé d’engranger ma mémoire


Ecoute, j’aimerais que tu me donnes à vivre

Comme on donne à manger

Aux bébés en sevrage


Je voudrais refermer les yeux de ta maison

Et retrouver les gestes

Pour installer ma vie au rythme des saisons

Où tu dénoterais

Pour ouvrir mes volets à la fraîcheur des nuits

Relever les persiennes

Pour ranger les foulards

Au fond de tes armoires

Sous les masques épars

D'océan dans les chambres

De jardins sur la mer

Pour savoir épuiser

En touches indigo

Le faisceau des arènes

Sur mes toiles

Sans fermer les rideaux

Eteindre la lumière

Ton bouche à bouche

A mes paupières


La Vigne


Soulevée de clameurs matinales et d’abeilles

La vigne a le tissé d’une étoffe tribale

Ondulante et diaprée au lever du soleil

Elle tourne ses couleurs comme un essaim de châles

D’invisibles gitanes semblent la secouer

Lui voler ses joyaux pour s’en parer les mains

Tandis que lentement les hauts paniers d’osier

Débordent sous le poids des grappes de raisin


Elles déploient leurs bras en cadence tranquille

Et versent dans les hotte leur fabuleux butin

Barbouillant le visage échauffé des bambins

De leur bouche sucrée de caresses vigiles


Puis rompues de chaleur enivrante et docile

Ces amazones vont la corbeille à la hanche

Dans un éloignement d’insecte malhabile

Essuyant la fatigue à l'élytre des manches


A l’apnée de la nuit

Dans son grand lit défait d’odalisque épousée 

La vigne a des soupirs d’amante

Elle porte à son cou de captive adulée

Des colliers d’amarante


A sa voix rauque 

Un lamento

Vibre en trilles berbères dans la non-vue du soir

Connivence d’altos 

Aux complaintes guerrières

Des femmes du terroir


L'Envers en Soi

C’est l’heure des puisatiers

De l’engourdissement des chiens

Qui ont veillé

Des bêtes jappent qui guettaient

L’éveil rauque des chameliers

Le thé coule qui fut

Chauffé hors les tentes

Sur le jabot de l’aube

Et je suis là, dans l’erg, l’oasis

Etale une flambée de plumes

J’ai passé la nuit dans la jeep

Sous la question monumentale du ciel

J’ai du chercher au-delà de la quiétude

Du troupeau

Des musiques tendues sur les feux du désert

Des chants interrompus

Par un chuchotement 

De comètes


Et puis j’ai répondu

Des mots me sont venus que je ne voulais pas

Des mots de rythme sur les pistes,

De villages, de sources,

Des mots d’aurore et de soleil au lendemains de toi

Et des trilles berbères à ton éloignement

J’ai répondu des mots de trêve aux caravansérails,

Des paroles de joie au sortir des sables,

Des soupirs d’aise à l'ombre et loin de la fournaise

Qu’est notre amour


Et j’ai parlé de désamour

Etrangement, ce mot vient et s’installe comme une tache

A l’envers de soi sur ma peau,

Marque son auréole où l'étiage a changé la moirure

Comme un cercle sur l’eau rejoindrait un rivage

Et rien que cette étole qui bouge à mes épaules

Cette chape sans poids autre

Que son envergure

D’envol

Suffit à me cerner,

Bâillonner, 

Ligoter

Et c’est en louve que je lève ma narine aux aguets

C’est des hordes quittées dont je perçois l’odeur

Dans celle plus tenace des brebis.

Figés aux mailles depuis longtemps tissées de l’instinct,

Ces relents de suin donnent à mon épaule

Un geste long de dune

Vers l'enjambée crissante des caravanes

Aux points d’eau.


Des chevriers sont là

Qui ont porté leurs bêtes nouveau-nés,

Des sources naissent à fleur de pierre où le sabot résonne

Et la palmeraie brille sur l'écaille des sables

C’est l’heure incandescente et rose des prières. 


Dans la claire-voie des cours

Un vol de tourterelles fond sur la boutonnière

Des fontaines

Et l’eau perle aux aiguières verseuses d’ablutions.

D’où vient que tout s’envole où jaillissent les saules, 

Tout, 

De tes inconstances

Jusqu’à ma déraison?


J’attends dans la fraîcheur humide des mosquées

Les rythmes oubliés

Dans l’éclaboussement de nos incantations.

D’où vient que je m’aligne aux côtés des fidèles

Et tourne vers le ciel

La paume de mes mains?

Dis-moi de quelle ogive attendre l’éloquence?


L’heure ouvre son échoppe où l’étal a fermé

D’une autre saunaison.

Quelle autre fulgurance

Naîtra de ce commerce

Où le boulier crépite et la balance penche

Irrévocablement

Sous la manne des jours?


C’est l’heure infranchissable et brève des retours

Un minaret s'élance en turban de faïence

Et des sources s'étirent

Sous le torchis des murs

J’ai retrouvé la jeep brûlante de lumière,

Une nuée d'enfants

Des petits sur les sièges et des grands au volant

Et des rires aux portières

Et mon étonnement 

De la joie retrouvée

Et le jardin fané où tu étais l’amant

Ses ruisseaux qui se taisent

Et ses bassins vidés qui se renouvelaient

Dans leur vasque poreuse


Tu vas te réveiller

Cligner des yeux, peut-être,

En ne me trouvant pas 

Dans la suite du rêve

Où je n’existais pas


C’est l’heure-empreinte, l’heure volée,

l’heure-envergure envolée,

A l’envers de toi sur ma peau


La tente est bleue dans l’âtre pétrifié du jour

La chaleur en-allée suinte au madrépore des cruches


La nuit trébuche

Sur l’argile des lampes



Sylvie Mochiri Miller

Un retour vers le froid

 La jeune femme arrêtée dans sa danse frileuse

Un matin de grands froids

Attendait que je trouve la couleur de la neige

Et ça ne venait pas


Je cherchais dans les gris dans les bleus

Dans les roses

Je cherchais ma palette

Et ne la trouvais pas


C’est la faute aux lumières

Du jour

La faute à notre amour

Il me faut une boucle d’obscur

Une oeillère

Un retour


Un retour vers le froid

Vers l’ivresse du manque

La magie dans les doigts

Exsangues

La couleur sur la gangue

Des maux


Un Homme Malheureux

 Il y a dans ta voix comme un peu de tristesse

Que je ne connais pas

Il y a dans tes yeux tout un vent de jeunesse 

Qui m’irrite déjà


Ma vieillesse est hélas le fardeau de tes joies

Et tendre tu ne veux risquer de me blesser

Tandis que je te guette en vieil enfant sournois

Avide du malheur qui tarde à nous frapper


Et si l’on reconnaît parfois comme ton père

Cet homme malheureux que tu as épousé

Tu n’imagines pas combien je désespère

De n’avoir pu jamais refuser de t’aimer


Aurore en Banlieue

Les wagons endormis dans la gare apaisée

Ruisselante d'échos à cette heure tardive

Dégagent de leurs corps impassibles d’acier

Des barbes de fumées flottant à la dérive


A l’horizon rompu de vapeurs et de brume

Les maisons de banlieu percent l'obscurité

Leurs façades bernées de suie et d’amertume

S’allument doucement par derrière les volets


C’est l’heure où les enfants s’agrippent au sommeil

Retenant dans les plis des chemises de laine

Leurs petits poings serrés et remplis de soleil


C’est l’heure où, quelque part, l’aube à la nuit s’enchaîne


Elle étire ses pattes en chatte de gouttière

Et s’avance, feutrée, sur la neige des cours

Humant aux soupirails auréolés de pierre

L’odeur chaude et muette du pain dans les fours


Puis, souffleur amoureux, en son nouvel habit,

L’air essoufflé rosit à l'aurore naissante,

Chorégraphie sublime où, leste travesti,

Le jour, en contretemps, fait ses pointes flambantes  

 

Ici

 Ici, l’on est au bord des larmes

Tant les bouleaux à perte d’yeux

Effacent jusque dans les âmes

La moindre trace d’autres bleus


Ici ne parlent que silence

Et que frissons de neige

Ici, toute chose en partance

Bruisse dans les arpèges


Branches abandonnées 

Par un oiseau de proie

Eclats de troncs fendus

Dans l'âpreté du froid


Ici, l’on s’invente au présent

Et l’on se prête à d’autres jeux

Ici, l’on ne joue que de vents

Et l’on s'apprête à se faire vieux



Monaco

1996


Instantanée

 

Instantanée

éphémères 

les ombres

au fût sombre des arbres

affûtement

des sens

au flux glacé du marbre

souffle

apaisant de mère

au front brûlant 

des choses

nécrose

de l’instant



Quiberon

1989


Comme des Araignées

 


Ils ont creusé des puits

De taffetas dans la nuit

Ils ont parlé d’aurore


Aux premières ondées

Ils ont changé de bord

Et se sont evanouis

Dans un jardin d’hiver


Ces ombres de soleil au plumage de grès

De leur toile perlée

Surveillent


Les abeilles 

Au vol repus de miel

Surveillent


Les plus vieilles

Des plus jeunes femelles

Surveillent


Comme des araignées



Monaco

l’Epis d’Or

1987