C’est l’heure des puisatiers
De l’engourdissement des chiens
Qui ont veillé
Des bêtes jappent qui guettaient
L’éveil rauque des chameliers
Le thé coule qui fut
Chauffé hors les tentes
Sur le jabot de l’aube
Et je suis là, dans l’erg, où l’oasis
Etale une flambée de plumes
J’ai passé la nuit dans la jeep
Sous la question monumentale du ciel
J’ai du chercher au-delà de la quiétude
Du troupeau
Des musiques tendues sur les feux du désert
Des chants interrompus
Par un chuchotement
De comètes
Et puis j’ai répondu
Des mots me sont venus que je ne voulais pas
Des mots de rythme sur les pistes,
De villages, de sources,
Des mots d’aurore et de soleil au lendemains de toi
Et des trilles berbères à ton éloignement
J’ai répondu des mots de trêve aux caravansérails,
Des paroles de joie au sortir des sables,
Des soupirs d’aise à l'ombre et loin de la fournaise
Qu’est notre amour
Et j’ai parlé de désamour
Etrangement, ce mot vient et s’installe comme une tache
A l’envers de soi sur ma peau,
Marque son auréole où l'étiage a changé la moirure
Comme un cercle sur l’eau rejoindrait un rivage
Et rien que cette étole qui bouge à mes épaules
Cette chape sans poids autre
Que son envergure
D’envol
Suffit à me cerner,
Bâillonner,
Ligoter
Et c’est en louve que je lève ma narine aux aguets
C’est des hordes quittées dont je perçois l’odeur
Dans celle plus tenace des brebis.
Figés aux mailles depuis longtemps tissées de l’instinct,
Ces relents de suin donnent à mon épaule
Un geste long de dune
Vers l'enjambée crissante des caravanes
Aux points d’eau.
Des chevriers sont là
Qui ont porté leurs bêtes nouveau-nés,
Des sources naissent à fleur de pierre où le sabot résonne
Et la palmeraie brille sur l'écaille des sables
C’est l’heure incandescente et rose des prières.
Dans la claire-voie des cours
Un vol de tourterelles fond sur la boutonnière
Des fontaines
Et l’eau perle aux aiguières verseuses d’ablutions.
D’où vient que tout s’envole où jaillissent les saules,
Tout,
De tes inconstances
Jusqu’à ma déraison?
J’attends dans la fraîcheur humide des mosquées
Les rythmes oubliés
Dans l’éclaboussement de nos incantations.
D’où vient que je m’aligne aux côtés des fidèles
Et tourne vers le ciel
La paume de mes mains?
Dis-moi de quelle ogive attendre l’éloquence?
L’heure ouvre son échoppe où l’étal a fermé
D’une autre saunaison.
Quelle autre fulgurance
Naîtra de ce commerce
Où le boulier crépite et la balance penche
Irrévocablement
Sous la manne des jours?
C’est l’heure infranchissable et brève des retours
Un minaret s'élance en turban de faïence
Et des sources s'étirent
Sous le torchis des murs
J’ai retrouvé la jeep brûlante de lumière,
Une nuée d'enfants
Des petits sur les sièges et des grands au volant
Et des rires aux portières
Et mon étonnement
De la joie retrouvée
Et le jardin fané où tu étais l’amant
Ses ruisseaux qui se taisent
Et ses bassins vidés qui se renouvelaient
Dans leur vasque poreuse
Tu vas te réveiller
Cligner des yeux, peut-être,
En ne me trouvant pas
Dans la suite du rêve
Où je n’existais pas
C’est l’heure-empreinte, l’heure volée,
l’heure-envergure envolée,
A l’envers de toi sur ma peau
La tente est bleue dans l’âtre pétrifié du jour
La chaleur en-allée suinte au madrépore des cruches
La nuit trébuche
Sur l’argile des lampes
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